Chapitre 3 : Confrontation

Le soleil se levait à peine lorsqu’Arthur Caldwell se retrouva une fois de plus au bord de sa piscine méticuleusement entretenue. Son regard scrutait la surface, perçant chaque imperfection, chaque trouble. L’eau était calme et immobile, mais pour Arthur, ce n’était plus simplement de l’eau. C’était un champ de bataille, et l’enjeu était plus important que jamais.
Les jours précédents n’avaient fait que confirmer ses soupçons. Il était désormais évident que ses voisins, le jeune couple d’à côté, utilisaient sa piscine sans sa permission. À chaque fois qu’il vérifiait, de nouveaux indices apparaissaient : des serviettes mouillées, des canettes de bière et ce fichu t-shirt, celui orné du logo inimitable de la salle de sport. Tout menait à la même conclusion. Ils s’appropriaient son espace, violaient son intimité, et Arthur n’allait plus l’accepter.
Il avait tenté la voie de la politesse. Il avait frappé à leur porte. Il leur avait accordé le bénéfice du doute. Mais à chaque fois, ils l’avaient éconduit. À chaque fois, leurs rires l’avaient blessé davantage, comme une insulte dissimulée sous une apparente indifférence. Il avait fait de son mieux pour rester courtois, mais maintenant, tandis que le soleil, haut dans le ciel, dissipait la brume matinale, Arthur savait que les choses devaient changer. Il ne pouvait plus laisser passer ça. Il ne le ferait pas.
La maison voisine était silencieuse, les fenêtres obscures, mais Arthur savait qu’il ne devait pas se laisser berner. Le couple dormait peut-être, mais pas lui. Il les avait vus, entendus, et maintenant, il avait un plan.
À 9 h précises, Arthur traversa la cour en direction du portail latéral. Ses mouvements étaient mesurés, chaque pas résonnant dans le silence du matin. Il était déterminé à réparer cette injustice, à récupérer ce qui lui appartenait. Il n’avait jamais fui la confrontation, mais cette fois, l’enjeu était différent. Il ne s’agissait plus seulement de la piscine ; il s’agissait de respect.
Arrivé au portail, il s’arrêta un instant. Il sentait la tension palpable, suffocante. Il ne savait pas à quoi s’attendre, mais il était prêt à affronter la suite. Il avait préparé son discours, l’avait répété mentalement, mais maintenant qu’il était là, tout lui paraissait bien plus réel.
Le portail s’ouvrit en grinçant et, tandis qu’il s’approchait de la porte d’entrée de son voisin, une vague d’adrénaline le submergea. Il frappa sèchement à la porte.
Les minutes semblèrent s’étirer, puis la porte s’ouvrit sur Chad, son nouveau voisin. Il portait un t-shirt délavé et un pantalon de survêtement, les cheveux en bataille comme s’il venait de se réveiller. Ses yeux s’écarquillèrent légèrement en voyant Arthur sur le seuil.
« Salut Arthur », dit Chad, un demi-sourire aux lèvres. « Quoi de neuf ? »
« Il faut que je te parle », répondit Arthur d’une voix calme mais ferme. « C’est à propos de la piscine. » L’expression de Chad changea un instant, avant que son sourire ne revienne. « Ah, la piscine. Quel est le problème, encore une fois ? »
« Vous l’utilisez », répondit Arthur d’une voix imperturbable. « Et je n’apprécie pas ça. »
Chad haussa un sourcil. « Quoi ? Allons, voyons. On s’amusait un peu. Il n’y a pas de mal à ça, si ? »
La mâchoire d’Arthur se crispa. « Vous utilisez ma piscine sans demander. Ce n’est pas “s’amuser un peu”. C’est de l’intrusion. »
Chad haussa les épaules. « Écoutez, on pensait que ça ne vous dérangerait pas. Ce n’est qu’une piscine, Arthur. Vous ne l’utilisez même pas souvent. »
Arthur s’avança, la frustration à son comble. « Ce n’est pas qu’une question de piscine. C’est une question de respect. On ne prend pas ce qui ne nous appartient pas sous prétexte que personne ne regarde. Je me fiche que vous l’utilisiez, mais il faut demander la permission. C’est ma propriété, mon espace. » Chad afficha un sourire narquois, visiblement ravi de la confrontation. « Franchement, je ne sais pas. Tu en fais toute une histoire pour rien. On se détendait, c’est tout. On ne fait pas la fête, hein. »
La patience d’Arthur commençait à s’épuiser, mais il garda son calme. « Tu crois que je ne vois rien ? Tu crois que je n’ai pas vu les canettes de bière et les serviettes ? Et ne fais pas comme si tu n’avais pas utilisé la piscine hier soir. Je t’ai vu. »
Le sourire de Chad s’estompa un instant, mais il retrouva vite son assurance. « Bon, d’accord, on l’a utilisée. Mais tu en fais toute une histoire pour rien, Arthur. Détends-toi. On n’essaie pas de te voler. »
« Je n’ai pas dit que vous voliez », rétorqua Arthur d’une voix basse mais ferme. « Mais ça reste mon espace. Et je n’apprécie pas que vous en profitiez. »
Chad soupira, visiblement irrité. « Tu sais quoi ? Très bien. Tu veux qu’on reste loin de ta piscine ? C’est entendu. Mais ne viens pas ici faire comme si on avait fait un crime, compris ? »
Arthur hocha la tête, les yeux plissés. « Bien. Je veux juste du respect. C’est trop demander ? »
Chad fit un geste de la main, comme pour dédaigner la chose. « Ouais, ouais. C’est ça, mec. On ne va pas continuer à l’utiliser. »
Mais Arthur n’en avait pas fini. « Et la prochaine fois, » dit-il d’un ton plus dur, « si je te surprends encore chez moi, je ne te demanderai pas de partir. J’appellerai la police. »
Chad ouvrit la bouche pour répondre, mais Arthur s’était déjà retourné et était parti. Il n’avait pas besoin d’entendre d’autres excuses. Il savait que les limites avaient été franchies et qu’il était temps de les faire respecter.
Plus tard dans la journée, assis dans son salon, Arthur repensait à la conversation. Plus il y pensait, plus sa frustration grandissait. Le mépris de Chad pour ses inquiétudes, son manque de respect… tout cela couvait en lui, prêt à exploser à nouveau.
Mais Arthur était résolu. Il avait été clair. Il avait fixé une limite et il allait s’y tenir. Il n’allait pas se laisser marcher sur les pieds par des voisins arrogants et imbus de leurs droits.
Ce soir-là, tandis que la lune baignait le jardin d’une faible lumière, Arthur se tenait à sa fenêtre, observant la piscine. Il vérifia une nouvelle fois la serrure du portail, les mains fermes tandis qu’il la verrouillait. Il n’était pas certain que les voisins tenteraient à nouveau quoi que ce soit. Mais il était prêt à affronter la suite.
Il ne s’agissait plus seulement de la piscine. Il s’agissait de définir clairement ce qui était acceptable et ce qui ne l’était pas. Arthur avait travaillé dur pour tout ce qu’il possédait. Et il ne laisserait personne le lui prendre. Ni sa tranquillité, ni sa propriété, et certainement pas sa dignité.
Debout là, enveloppé par le silence de la nuit, Arthur ressentit une certaine satisfaction. La confrontation avait été difficile, mais nécessaire. Il avait pris position, et pour la première fois depuis des semaines, il ressentit une étincelle familière : le sentiment de contrôle.
Ce n’était plus seulement la piscine. C’était tout ce qui l’accompagnait. L’espace qu’il avait conquis, les limites pour lesquelles il s’était battu, et la vie qu’il avait construite. Et il la protégerait de toutes ses forces.
Demain, pensa-t-il, serait un autre jour. Et il serait prêt à affronter ce qu’il lui réservait.